Crédit photo : espacego.com
**Ce texte a été écrit en écoutant Pour Gabrielle de Jorane en boucle. Je vous invite à le faire à votre tour...
«Une femme c’est d’être belle, même en jouant
à la marelle, même en s’accouplant, même en enfantant, c’est toujours d’être
belle. C’est un sort atroce parce que la beauté est à l’abri de toutes les
révolutions. Pour être libre, il faut faire la révolution. Les femmes ne seront
jamais libres»
-Nelly Arcan
Extrait de Putain
Elle était absolument palpable et flottait
forcément au dessus de nos têtes dans la salle de l'ESPACE GO;… L’âme de Nelly Arcan. L’ambiance
était beaucoup trop lugubre, beaucoup trop troublante, comme son âme, comme sa
plume. Au tout début de la pièce, les spectateurs sont plongés dans l’obscurité
totale pendant de longues secondes, un peu comme pour nous couper du monde
extérieur afin de pouvoir bien pénétrer dans son univers bien à elle. Insécurisant…j’en
ai la chair de poule. Lorsque la lumière revient, on jurerait qu’elle est là, tout au fond de
la pièce, assise les jambes croisés, un sourire
coquin accroché aux lèvres ,cigarette à la main, admirant sa propre œuvre de son regard perçant, tel un Siamois,
À partir des romans Putain et Folle, ainsi que du récit L’enfant dans le miroir, la pièce est tricotée autour des différentes obsessions
de l’écrivaine;
Le sexe féminin et la féminité
La société hypersexualisée
La mort
La religion
La famille
La solitude
La douleur de vivre.
La confusion des genres
Le besoin d’être vu
Le désir de plaire
L’obsession de la beauté
Le culte du corps
La peur de vieillir
La fascination de la nature et de l’Univers…
Chaque
mot craché, hurlé, chuchoté par les interprètes me fait réfléchir, me remet en
question, évoque mille et une images dans ma tête; des parties du corps exposées
sous lumière crue, un corps gribouillé par le crayon rouge d’un chirurgien,
comme une bête marquée au fer chaud, un pénis en érection, un vagin lubrifié,
des seins pointus, des fesses rebondies, un ventre flasque, un nombril bien
centré, une peau lisse et translucide, puis après un front ridé, des mains d’homme,
des mains baladeuses... des espaces verts, un paradis arctique, une pièce sombre,
une tête, sous l’eau, une corde au cou…
Chaque
chambre nous fait ressentir la souffrance, la tristesse et le désespoir de
Nelly Arcan. Chaque pièce, où les comédiennes sont scellées comme dans des
cercueils et exposées devant une vitrine telles des putains du Red Light District,
chaque scène est un véritable pas de plus vers son cercueil.
Assis, nous
assistons confortablement à son suicide, bercés par des voix célestes et une
musique enivrante.
« Quand j'étais petite j'ai fini par
grandir. J'en suis arrivée au point fatal où je pouvais voir mon visage dans
les miroirs, du moins à partir du menton; depuis ce jour-là je n'ai plus pu
m'échapper, je me suis tombée dessus à chaque tournant. »
Nelly Arcan
Crédit photo: www.stevepoutre.com
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