vendredi 3 mai 2013

La fureur de ce que je pense; un suicide lentement préparé…






Crédit photo : espacego.com



**Ce texte a été écrit en écoutant Pour Gabrielle de Jorane en boucle. Je vous invite à le faire à votre tour...



«Une femme c’est d’être belle, même en jouant à la marelle, même en s’accouplant, même en enfantant, c’est toujours d’être belle. C’est un sort atroce parce que la beauté est à l’abri de toutes les révolutions. Pour être libre, il faut faire la révolution. Les femmes ne seront jamais libres»
 -Nelly Arcan
Extrait  de Putain


             Elle était absolument palpable et flottait forcément au dessus de nos têtes dans la salle de l'ESPACE GO;… L’âme de Nelly Arcan. L’ambiance était beaucoup trop lugubre, beaucoup trop troublante, comme son âme, comme sa plume. Au tout début de la pièce, les spectateurs sont plongés dans l’obscurité totale pendant de longues secondes, un peu comme pour nous couper du monde extérieur afin de pouvoir bien pénétrer dans son univers bien à elle. Insécurisant…j’en ai la chair de poule. Lorsque la lumière revient, on jurerait qu’elle est là, tout au fond de la pièce, assise les jambes croisés, un  sourire coquin accroché aux lèvres ,cigarette à la main, admirant sa propre œuvre de son regard perçant, tel un Siamois, 

            À partir des romans Putain et Folle, ainsi que du récit L’enfant dans le miroir, la pièce est tricotée autour des différentes obsessions de l’écrivaine;

Le sexe féminin et la féminité
La société hypersexualisée
La mort
La religion
La famille
La solitude
La douleur de vivre.
La confusion des genres
Le besoin d’être vu
Le désir de plaire
L’obsession de la beauté
Le culte du corps
La peur de vieillir
La fascination de la nature et de l’Univers…


            Chaque mot craché, hurlé, chuchoté par les interprètes me fait réfléchir, me remet en question, évoque mille et une images dans ma tête; des parties du corps exposées sous lumière crue, un corps gribouillé par le crayon rouge d’un chirurgien, comme une bête marquée au fer chaud, un pénis en érection, un vagin lubrifié, des seins pointus, des fesses rebondies, un ventre flasque, un nombril bien centré, une peau lisse et translucide, puis après un front ridé, des mains d’homme, des mains baladeuses... des espaces verts, un paradis arctique, une pièce sombre, une tête, sous l’eau, une corde au cou…

            Chaque chambre nous fait ressentir la souffrance, la tristesse et le désespoir de Nelly Arcan. Chaque pièce, où les comédiennes sont scellées comme dans des cercueils et exposées devant une vitrine telles des putains du Red Light District, chaque scène est un véritable pas de plus vers son cercueil.

            Assis, nous assistons confortablement à son suicide, bercés par des voix célestes et une musique enivrante.

« Quand j'étais petite j'ai fini par grandir. J'en suis arrivée au point fatal où je pouvais voir mon visage dans les miroirs, du moins à partir du menton; depuis ce jour-là je n'ai plus pu m'échapper, je me suis tombée dessus à chaque tournant. » Nelly Arcan

Crédit photo: www.stevepoutre.com

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